Rencontre avec un grand Anthropoloque
Il faut que je vous raconte la formidable rencontre que nous avons faite aujourd'hui!Je tiens à vous prévenir, pour les non anthropologues son nom ne vous évoquera rien mais pour les quelques initiés qui liront ce blog vous comprendrez mon enthousiasme!
Nous avons passé la matinée à discuter avec Alban Bensa! Pour ceux qui ne le connaissent pas, (vous êtes nombreux j'en conviens) Alban bensa, né en 1948, illustre anthropologue français spécialiste du monde Kanak, est directeur d'études à l'EHESS (école des hautes études en sciences sociales).
Il a réalisé de nombreux travaux de recherche dans le nord de la Calédonie et connaît donc très bien la zone que nous étudions (VKP: Voh Koné Pouembout) Par ailleurs il s'est engagé dans la cause Kanak durant les événements des années 80 et plus récement il a travaillé en avec l'architecte Renzo Piano pour le projet du centre culturel Tjibaou à Nouméa.
Pour dire que nous étions impressionnées par l'homme, pourtant si accessible en réalité...
Nous avons parlé de notre enquête, des problèmes sur lesquels nous butions, pour assayer de débrouiller quelques aspects qu'il pouvait connaître.
Pour vous situer quelque peu dans notre travail, sachez que nous réalisons (Marie mon binôme, et moi même pour ceux qui n'aurait toujours pas compris) une enquête anthropologique sur les usages des ressources du lagon autour d'une zone lagonaire qui est reconnue informellement comme la réserve de la tribu d'Oundjo.
Autour de cette tribu se trouve au nord la tribu de Gatope et le village de Voh et au sud les villages de Koné et de Pouembout. Ceci implique que différents acteurs pêchent dans le lagon de cette zone. Ces acteurs, tous différents, vivent en tribus, dans les villages, ils pratiquent différents types de pêche: professionnelle, vivrière, de plaisance, coutumière, avec différentes techniques: à bateau, à pied, certains pêchent le crabe, le poisson, le trocas, à la ligne, à la main, à la seigne, à l'aide de nasse etc.
La réserve d'Oundjo est reconnue par les pêcheurs extérieurs qui ne vont pas pêcher dans cette zone de peur d'être chassés à coup de fusil. De plus, au nord de la réserve (qui je rappelle n'a aucune existence juridique), le site de vavouto (vous savez où nous avons pêché le crabe) accueille les travaux de construction de l'usine du Nord, énormissime projet d'extraction de nickel. Ce projet à de considérables conséquence sur le milieu des pêcheurs, des tribus mais aussi de manière générale sur toute la zone VKP: Pollution du lagon, développement de l'offre d'emploi sur la zone, entraînant une baisse du nombre de pêcheurs professionnels en milieu Kanak, et parallèlement une augmentation démographique considérable qui intensifie la pression de pêche sur le lagon. La crainte ressentie localement est que les nouveaux arrivants ne connaissant pas les regles informelles de la zone aillent pêcher là où ils ne devraient pas.
Le fait est que cette réserve, bien qu'informelle et non approuvée par l'ensemble des acteurs fonctionne malgré tout et nous nous interrogeons sur: comment elle fonctionne, comment elle est percue par les pêcheurs de la tribu d'Oundjo mais aussi comment les pêcheurs extérieurs la percoivent. Notre rôle est également de dégager les limites de cette "réserve" qui sont loin de faire consensus.
Le problème que nous rencontrons actuellement est le fait que nous ne vivons pas en tribu, le temsp nous manque pour avancer notre enquête comme nous le voudrions et nous avons du mal à cerner le conflit existant au sein de la tribu d'Oundjo. c'est ce conflit qui a été le propos de notre discussion avec Alban Bensa.
Cet homme est réellement passionnant. Il raconte les choses comme il nous raconterait une histoire, il cherche au fond de sa mémoire des souvenirs, des noms, des anecdotes qui pourraient nous être utiles là la compréhension du contexte historique global, ainsi que le conflit existant à Oundjo.
Nous lui avons raconté ce que nous avions trouvé par rapport à l'utilisation de certains espaces de pêche (à Foué en l'ocurrence, où nous avons vécu durant deux mois à notre arrivée dans le Nord Calédonien), par rapport aux craintes exprimées concernant le projet de l'usine du nord ou encore en lien avec le conflit à Oundjo et entre certains membres de Oundjo et de Gatope, tribu voisine. Il était très intéressé par nos recherches, et nous avons même eu le sentiment de lui apprendre quelques éléments sur des événements récents. Ce qui en soit est certes normal puisqu'il n'est pas venur sur le terrain depuis un moment mais qui néanmoins fait très plaisir devant un père de l'anthropologie!
Nous allons nous revoir sur le terrain, il nous emmènera voir des "informateurs clés" pour nous parler de l'histoire de la tribu d'Oundjo et à notre tour, nous l'emmenerons décrouvrir la famille Pourrouda, vivant a bord de la plage de foué. Il a pris des notes sur les questions que nous nous posions auxquelles il ne pouvait répondre et a promis de s'en occuper dès demain pour apporter les réponses aux questions qui nous hantent.
Voilà pour le quart d'heure anthropologique.
Bien à vous
ps: je tiens à dire quand même que je parle d'Alban Bensa parce que bon il est très connu (dans le domaine pas à la télé!) mais Elsa Faugère qui est ma directrice de mémoire est pas mal non plus sans parler de Pierre Yves Le Meur, mon maitre de stage, chercheur à l'IRD qui a quand même fait deux thèses: l'une en agronomie et l'autre en anthropologie... Pas mal le type! Ca n'empêche qu'on rigole bien et qu'il est fan de l'émission strip-tease sur France 2 alors bon... ;-)
Pour en savoir plus:
http://www.bibliomonde.com/auteur/alban-bensa-1427.html